Kananga, 08 novembre 2022- La République Démocratique du Congo est l’un des pays où la mortalité maternelle constitue un problème majeur de santé publique. Elle figure ainsi parmi ceux ayant un taux de mortalité maternelle le plus élevé au monde, d’après plusieurs études effectuées.
Au Kasaï Central, particulièrement dans l’air de santé Musangana, plusieurs femmes perdent la vie pour avoir donné naissance, à cause notamment d’une faible fréquentation des services de consultations prénatales.
Alors que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande au moins quatre consultations prénatales à intervalles réguliers tout au long de la grossesse, à Musangana dans la zone de santé de Katende en territoire de Dimbelenge, peu de femmes fréquentent une seule fois ce service, alors que la majorité ne s’y intéresse même pas.
Nous sommes au centre de santé Musangana ; dans cette structure sanitaire, il est rare que les femmes viennent consulter les services de consultations prénatales et ce, à quelques semaines seulement de l’accouchement, nous confie une sage-femme trouvée dans ce centre.
La reconnaissance des soins prénataux dans la réduction de la mortalité maternelle
“L’efficacité de soins prénataux n’est plus à démontrer dans la réduction de la mortalité maternelle et néonatale. Bien que ces soins ne puissent à eux seuls prévenir la mortalité maternelle, la qualité de soins que reçoit une femme lors de sa grossesse joue un rôle capital pour assurer les résultats les plus sains que possibles pour la mère et le bébé”, reconnait Mathieu Kayokolo, infirmier traitant dans cette structure sanitaire.
De son coté, Ntumba Kabeya est la sage-femme de cette structure. Elle précise que le suivi prénatal permet de faire le diagnostic précoce de la grossesse, de dépister les facteurs de risque de la grossesse, de faire le pronostic fœtal et maternel de l’accouchement et de mettre en œuvre des traitements préventifs ou curatifs efficaces.
“Le but du suivi prénatal est d’aider la femme à mener sa grossesse jusqu’à terme et à accoucher dans les meilleures conditions de sécurité pour elle et son enfant. Lorsque nous recevons ces femmes, nous faisons le suivi de la grossesse et cela permet de réduire le risque de décès liés à la grossesse”, fait-elle savoir.
Et d’ajouter : “ce que nous faisons dans le suivi, c’est d’abord nous rendre compte que la femme est effectivement enceinte et observer par la suite pour nous rassurer que la grossesse évolue bien et qu’il n y a pas la survenue d’éléments anormaux susceptibles d’amener le risque que ce soit pour la mère ou sur son enfant, sans oublier les conseils que nous donnons à la femme”, explique-t-elle.
Des causes de la faible fréquentation des femmes à la CPN
Plusieurs causes ont été relevées comme freins à l’utilisation par les femmes de services de consultation prénatale.
Pour Mme Ntumba Kabeya, ce n’est pas facile, car cette structure sanitaire se retrouve dans un milieu rural où il y a la prédominance de la coutume.
“Nous sommes dans un environnement qui est ancré dans la coutume et les autres pratiques traditionnelles. C’est ce que je peux d’abord relever comme frein. Ce qu’il faut faire c’est beaucoup plus sensibiliser la population pour qu’elle arrive à comprendre l’importance de la consultation prénatale”, a-t-elle déclaré.
Cette sage-femme reconnait également que certaines croyances religieuses empêchent les femmes de venir à la CPN : “C’est vrai parce qu’il y a certains pasteurs qui demandent aux femmes de venir à l’église lorsqu’elles sont enceintes pour prier sur leurs grossesses et de là, ils garantissent la protection de leurs enfants”, renchérit-elle.
L’avis d’une femme qui a utilisé la CPN
Milolo Anny, femme d’un enseignant habitant ce village qui a utilisé le service de CPN dans ce centre de santé, dit bien se porter elle et son bébé. Elle invite les autres femmes à se servir de la CPN lorsqu’elles sont enceinte.
“Moi, j’ai utilisé la CPN et j’ai déjà accouché, je me porte bien moi et mon enfant. Ce que je peux demander aux autres femmes c’est d’aller à la CPN lorsqu’elles sont enceintes. Il n’y a pas de danger, mais on vous examine et on vous donne des conseils”, rassure cette femme ayant accouché il y a quelques mois au centre de santé Musangana.
Ce que pense les autres membres de la communauté
Katumuambi Toyos, un des conjoints que nous avons approché met lui l’accent sur la bonne communication de la CPN comme un élément qui peut faire participer la population à ce service.
“S’il y a une faible utilisation de la CPN, moi je pense qu’il faut une bonne communication de ce service parce que les femmes surtout dans des milieux pareils, la plupart n’ont pas fréquenté l’école et c’est vraiment difficile pour elle de s’adapter à ça”, souligne ce cadre.
Christophe Tuabanya, un des relais communautaires dans ce milieu, évoque une autre dimension qui est celle de sensibiliser également les maris des femmes car argumente-t-il, ces derniers ont un pouvoir de décision sur ce que leurs épouses peuvent ou ne peuvent pas faire.
“L’homme constitue une cible qu’il faut aussi sensibiliser vu le rôle qu’il joue dans les décision que peuvent prendre la femme. C’est pourquoi nous disons que si l’homme connait l’importance de la CPN ça sera à l’avantage des femmes, car lui-même va commencer à envoyer sa femme à la CPN lorsqu’elle est enceinte”, déclare-t-il.
Selon les données des Enquête Démographique et de Santé (EDS), la RDC est classée à 846 décès maternels sur 100.000 naissances. Ce qui représente un grand défi et classe ce pays parmi les grands pourvoyeurs de décès maternels dans le monde.
David Saveur MIKOBI