Putsch manqué, victime d’un harcèlement par les sbires du régime, Nadia Kafitwe se confie à la presse

RDC, 23 juin 2024- Une récente tentative de renversement du gouvernement en République démocratique du Congo a provoqué une montée de tension dans le pays. Selon le général de brigade Sylvain Ekenge, porte-parole de l’armée congolaise, des hommes armés ont attaqué le bureau présidentiel le 19 mai, suivi d’une seconde attaque près du domicile de Vital Kamerhe, ancien chef d’état-major et proche allié du président actuel.

Les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ont réagi de manière ferme en attaquant le commando, qui a été largement capturé. Plusieurs membres, y compris leur chef, ont été tués au cours de l’opération. Le chef du commando a été identifié comme étant Christian Malanga Musumari, né à Kinshasa le 2 février 1983.
Christian Malanga était reconnu comme une voix politique dissidente issue de la diaspora congolaise. Originaire de Kinshasa, sa famille a quitté le pays lorsqu’il était enfant pour se réfugier au Swaziland, avant de s’installer à Salt Lake City, dans l’Utah, en 1998.

Depuis cette tentative de coup d’État, plusieurs citoyens congolais affirment être victimes de harcèlement et d’arrestations arbitraires de la part des services de sécurité, notamment Madame Nadia Kafitwe, récemment rentrée d’Afrique du Sud pour échapper à la xénophobie.

Nadia Tambwe Kafitwe, de nationalité congolaise, mariée et mère de deux enfants, diplômée, revenue récemment de lAfrique du Sud où elle a résidé pendant 24 ans où elle a travaillé dans divers secteurs, notamment en tant qu’agent commercial pour la grande firme française AGS, ainsi que dans le domaine du recyclage en tant que chef du personnel pour une entreprise locale, « Waste Plane ».

Q: Madame Nadia, merci d’avoir accepté de partager votre histoire avec nous. Pouvez-vous nous parler de votre expérience en tant que réfugiée politique congolaise en Afrique du Sud pendant ces dernières décennies ?

Madame Nadia: C’est un plaisir de pouvoir m’exprimer sur mon parcours. Après avoir fui la République Démocratique du Congo il y a plus de 24 ans pour échapper aux persécutions politiques visant mon mari, nous avons trouvé refuge en Afrique du Sud. Nous pensions y être en sécurité, mais avons malheureusement été confrontés à de nombreuses difficultés en raison de notre statut d’étrangers.
Notre arrivée en Afrique du Sud a marqué le début d’une nouvelle série de défis. La bureaucratie pour obtenir le statut de réfugié a été longue et ardue, et nous avons souvent été traités avec suspicion et discrimination. Les démarches administratives pour accéder à des services de base comme la santé et l’éducation étaient compliquées et exigeaient souvent des documents que nous n’avions pas.
S’intégrer dans la société sud-africaine s’est avéré être une tâche herculéenne. Bien que l’Afrique du Sud soit un pays avec une histoire de lutte pour les droits humains, nous avons souvent été confrontés à la xénophobie. Trouver un emploi stable était particulièrement difficile. Mon mari, malgré ses compétences et son expérience, a souvent dû accepter des travaux précaires et mal rémunérés.
Malgré ces difficultés, nous avons travaillé dur pour nous adapter. Nous avons appris les langues locales et participé activement à des initiatives communautaires. Notre objectif était non seulement de survivre, mais aussi de contribuer positivement à notre nouvelle communauté. Regardant en arrière, je vois un chemin parsemé de défis, mais aussi de résilience et de solidarité. Mon parcours en tant que réfugiée politique a été marqué par des luttes pour la reconnaissance et les droits, mais aussi par des victoires significatives. J’espère que mon histoire peut inspirer et encourager ceux qui se trouvent dans des situations similaires à ne jamais abandonner.

Q: Vous avez mentionné des attaques physiques et une tentative d’empoisonnement sur votre lieu de travail en Afrique du Sud. Comment cela a-t-il affecté votre vie et vos décisions ?

Madame Nadia: Ces événements ont profondément impacté ma vie. Après avoir été victime de ces actes violents, j’ai dû interrompre mon emploi et me retrouve maintenant dans l’incapacité de travailler ou même de sortir de chez moi. La montée de la xénophobie et des violences envers les étrangers en Afrique du Sud a rendu ma situation encore plus précaire. Ces dernières années, la montée de la xénophobie en Afrique du Sud a exacerbé notre situation. Les étrangers sont souvent blâmés pour les problèmes économiques et sociaux du pays, ce qui alimente la haine et les violences contre nous. Nous avons été victimes de nombreuses attaques verbales et physiques, simplement parce que nous étions perçus comme des étrangers prenant les emplois des locaux ou bénéficiant des services sociaux.
J’ai vécu dans la peur constante pour ma sécurité et celle de ma famille.

: Pourriez-vous nous en dire plus sur votre décision de retourner en RDC, sachant les risques encourus ?

Madame Nadia : Le retour en RDC était une décision difficile, prise dans un contexte d’épuisement total. Après des années de lutte en Afrique du Sud, nous espérions retrouver un semblant de paix et de sécurité dans notre pays d’origine. C’était un pari risqué, je le reconnais, mais l’espoir d’une vie meilleure nous a poussés à franchir ce pas. Malheureusement, la réalité a été bien plus cruelle que ce que nous avions imaginé.

La situation en RDC reste extrêmement tendue, avec des conflits armés persistants dans plusieurs régions du pays et la récente tentative de coup détat. Le gouvernement lutte pour maintenir l’ordre et la sécurité, mais les tensions politiques internes et les affrontements avec divers groupes rebelles créent un climat d’insécurité omniprésent. De nombreux citoyens vivent dans la peur constante des attaques et des déplacements forcés.
À notre arrivée, nous avons rapidement réalisé que la situation sur le terrain était loin d’être sécurisée. Nous avons été confrontés à des conditions de vie extrêmement dificile, avec une insécurité omniprésente due aux conflits armés et à la faiblesse des institutions locales

Q: Vous avez pris la décision de retourner au Congo en espérant y trouver la paix, mais vous avez été confrontée à de nouvelles persécutions. Pouvez-vous nous en dire plus sur les accusations portées contre vous concernant Christian Malanga et le coup d’État manqué ?

Madame Nadia: En effet, mon retour au Congo a été difficile. Je me suis retrouvée accusée à tort de complicité avec Christian Malanga, impliqué dans un coup d’État manqué. Ces accusations infondées ont entraîné mon arrestation, ma torture et mes interrogatoires par les services de renseignement congolais. Ma famille et moi sommes maintenant plongés dans une situation de grande précarité et de danger constant.
Notre retour en RDC était motivé par un désir ardent de trouver enfin la paix et la sécurité que nous n’avions pas pu obtenir en Afrique du Sud. Malheureusement, au lieu de la tranquillité espérée, nous avons été plongés dans un autre cauchemar. Nous avions fui la xénophobie et la violence ciblée contre les étrangers en Afrique du Sud, seulement pour nous retrouver au cœur de nouvelles persécutions en RDC.
À notre arrivée, nous avons été rapidement mêlés à des conflits politiques locaux. On m’a accusée à tort d’être complice avec Christian Malanga, une figure politique controversée impliquée dans un coup d’État manqué. Ces accusations étaient totalement infondées, mais elles ont suffi pour que je sois ménacée par les services de renseignement congolais. J’ai été soumise à des interrogatoires brutaux et à la torture, dans le but de m’extorquer des aveux pour des crimes que je n’avais pas commis.
Ces événements ont eu des conséquences désastreuses pour ma famille et moi. Nous avons été contraints de vivre dans la peur constante d’une nouvelle arrestation ou de représailles. La torture et les interrogatoires ont laissé des cicatrices physiques et psychologiques profondes, affectant notre capacité à mener une vie normale.

Q: Comment répondez-vous aux allégations selon lesquelles vous auriez des liens avec Christian Malanga et d’autres personnes impliquées dans le coup d’État manqué en RDC ?

Madame Nadia: Je tiens à clarifier que mes interactions avec Christian Malanga étaient purement fortuites et motivées par le désir de rapprocher les immigrants congolais. Je n’ai aucun lien avec les activités politiques ou criminelles auxquelles il aurait pu être associé. Les accusations portées contre moi sont infondées et malheureusement avec notre justice, malade selon les mots du président de la République, jaurais du mal à prouver mon innocence.

Q: Votre mari, Kafitwe Leon, est un opposant politique connu. Son rôle dans cette affaire est-il clair pour vous ?

Madame Nadia : Mon mari est un homme intègre, issu d’une famille politiquement engagée. Son père, Monsieur Kafitwe wa pa Bowa, fut une grande personnalité, ayant occupé le poste de ministre de la Justice dans les années 80 et étant membre du Comité Central sous le régime du Maréchal Mobutu. Mon mari a toujours défendu avec conviction ses idées politiques, tant dans la province du Katanga que sur l’ensemble du territoire congolais.
Il s’exprime ouvertement et critique le pouvoir de manière objective lorsque cela est nécessaire, comme tout citoyen devrait pouvoir le faire dans un pays démocratique. Cependant, je tiens à préciser que je ne suis pas directement impliquée dans ses activités politiques et que je ne devrais en aucun cas être concernée par celles-ci. Comme vous le savez, la justice en République Démocratique du Congo est malheureusement très politisée et souvent manipulée par des intérêts individuels.

Q: Madame Nadia, avez-vous entendu parler de Jean-Jacques Wondo ? Ce nom vous est-il familier ou vous évoque-t-il quelque chose dans le cadre de vos interactions passées ?

Madame Nadia : jamais entendu parler.
Q: Comment envisagez-vous l’avenir ?
Nadia Kafitwe: Je suis profondément inquiète pour ma sécurité et celle de ma famille. Je demande à la communauté internationale de nous venir en aide et de faire pression sur les autorités congolaises pour qu’elles mettent fin à ces persécutions. Je souhaite simplement vivre en paix et pouvoir exercer mes droits fondamentaux.

Merci beaucoup, Madame Nadia, pour votre témoignage poignant. Nous vous souhaitons courage et justice dans cette épreuve difficile.

Les plus vus

Nord-Kivu : Une semaine après le départ de Suminiwa, le M23 attaque les positions des FARDC à Lubero

Goma, 02 décembre 2024 - Les rebelles du M23 soutenus par les forces de défense du Rwanda (RDF) ont...

Ituri : Les usagers de la route Bunia-Kasenyi en souffrance suite à la dégradation et la multiplicité des barrières

Bunia, 02 Décembre 2024- Les usagers de la route Bunia-Kasenyi éprouvent d'énormes difficultés suite à la dégradation très avancée...

Isiro : Judith Suminwa à l’écoute de la population locale 

Kinshasa, 2 décembre 2024- La Première Ministre Judith Suminwa Tuluka est arrivée, ce samedi 30 novembre, à Isiro dans...

Linafoot 2024/25 : V.Club s’adjuge le derby kinois face au DCMP

Kinshasa, 1er Décembre 2024 - Le 192è plus vieux derby de Kinshasa a tourné à l'avantage de l'AS V.Club,...

Linafoot 2024/25: Rangers stoppe Maniema Union, Mazembe poursuit sa lancée

Kinshasa, 30 Novembre 2024 - L'AC Rangers vient de déchirer le brevet d'invincibilité de l'AS Maniema Union en le...